Découvrez l'interview de T-Jun scénariste de Viral Hit (site natalie.mu)
- Il paraît que vous lisiez des mangas japonais lorsque vous étiez enfant ?
Je pense que toutes personnes de ma génération ont naturellement été exposées aux mangas japonais pendant leur scolarité. Lire les séries prépubliées dans les magazines de shonen mangas et faire la queue devant la librairie le jour de la sortie des volumes reliés de mes œuvres préférées était mon quotidien.
- Parmi ces œuvres, lesquelles vous ont particulièrement marqué ?
Je lisais beaucoup de mangas populaires à l'époque, comme Rokudenashi BLUES (Shūeisha), Kyo kara Ore wa!! (Shōgakukan), et Young GTO (Kōdansha), mais si je devais en choisir un en particulier, ce serait probablement Dragon Ball (Shūeisha). Cependant, je ne pense pas avoir été directement influencé par ces œuvres.
- Qu’est-ce qui vous a poussé vers la création artistique ?
Je ne crois pas qu’il y ait eu d’élément déclencheur. J’adorais les mangas depuis l’enfance, et naturellement, j’ai commencé à envisager d’en faire mon métier. C’est pour cela que j’ai choisi une université avec une section dédiée au manga. Cependant, j’ai pris une pause momentanée dans mes études pour travailler en tant que vedette d’émissions télévisées ou dans la gestion d’une boutique en ligne de vêtements pour hommes.
- Quelles raisons vous ont poussé à suspendre vos études pour multiplier les activités ?
Je ne viens pas d’un milieu aisé, donc je n'avais pas d'autre choix que de gagner de l'argent avant de pouvoir devenir mangaka. C'est dans ce but que j’ai bossé dur jusqu’à pouvoir faire mes débuts. Par chance, ma première série, Lookism, a été appréciée par de nombreux lecteurs, et cela m'a permis de poursuivre mon activité jusqu'à aujourd'hui. À l'époque de mes débuts, je n'aurais jamais imaginé que Lookism connaîtrait une publication aussi longue.
Même sans apporter de solution aux problèmes sociétaux, j’espère tout du moins tirer la sonnette d’alarme en dépeignant le monde tel qu’il est.
- Dans une autre de vos œuvres phares, Viral Hit, tout comme dans Lookism, la hiérarchie sociale au sein de l’école est un thème central. Le fait de mettre en scène des créateurs de contenu et des influenceurs est un angle unique et très intéressant.
Avant de commencer cette série, je me suis longuement interrogé sur les raisons pour lesquelles les personnages se battent dans les shonen mangas. C’est ainsi qu’est né Kōta Shimura, un protagoniste qui se bat pour de l'argent. De plus, au moment où j'ai lancé la série, YouTube connaissait un essor phénoménal, et j'ai donc pensé qu'il serait intéressant d'inclure le streaming sur des sites vidéo comme moyen de gagner de l'argent. C'est ainsi que Viral Hit a vu le jour.
- Y a-t-il quelque chose qui vous a causé des problèmes en particulier dans la création de cette série ?
Toutes sortes d’arts martiaux font leur apparition dans cette série. Le plus difficile fut de les illustrer le plus justement possible. Après avoir réfléchi à la manière de les rendre réalistes, je me suis entretenu avec des professionnels de jiu-jitsu brésiliens et de MMA en activité. En me basant sur leurs précieux avis, je suis parvenu à dépeindre ce genre d’action dans Viral Hit.
- Je pense que les problèmes liés à la société contemporaine comme la discrimination basée sur l’apparence physique ou la hiérarchie sociale à l’école sont des thèmes clés qui font toute l’originalité de vos oeuvres. Est-ce quelque chose que vous gardez à l’esprit lorsque vous créez vos séries ?
En effet. Le manga est un miroir de l’époque à laquelle il paraît. Cela étant dit, je ne prétends pas pouvoir apporter de solution ou de réponse à ces problèmes à travers mes œuvres. Cependant, en dépeignant le monde tel qu'il est, je pense pouvoir divertir les lecteurs tout en leur faisant prendre conscience des injustices qui existent. C'est pourquoi j'aimerais continuer à créer des œuvres qui servent cette cause.
Je suis en pleine préparation d’une oeuvre fantastique que je rêve d’écrire depuis 5-10 ans.
- J’aimerais maintenant en savoir un peu plus sur votre processus créatif. Vous travaillez en tant que scénariste sur Viral Hit, mais il y a également des séries comme Lookism que vous dessinez vous-même. Personnellement, préférez-vous créer des histoires ou les dessiner ?
Honnêtement, le choix est difficile. J'adore dessiner des mangas, donc idéalement, j'aimerais pouvoir réaliser entièrement toutes les histoires que j'imagine. Cependant, je suis limité en termes de temps et de capacités physiques, et il m'est pratiquement impossible de travailler seul sur toutes les idées qui me viennent à l'esprit et de les concrétiser pour qu’elles deviennent des séries. C'est pourquoi je collabore avec d'autres artistes talentueux afin de donner vie à mes idées.
- Je vois, c'était donc pour cette raison. Une question simple, mais quelles sont d’après vous les particularités de votre style de dessin et de vos techniques narratives ?
Comme je l'ai mentionné plus tôt, avant mes débuts, j'ai accumulé les expériences. J’ai la sensation que le fait de rencontrer diverses personnes au fil du temps a enrichi mes œuvres. De plus, comme j’ai réalisé beaucoup de mangas d'action, les scènes de combat que je dépeins en sont devenues réalistes et exaltantes. Je pense que c'est là que sont ma force et ma particularité.
- À propos, comment se déroulent vos séances d’écriture ? Lorsqu'on parle de webtoons, on a souvent l'image d'un travail d'équipe.
J'imagine la trame générale de l'histoire avant d’organiser une réunion avec mon équipe afin de discuter du storyboard et finaliser l'œuvre. Nous réfléchissons également ensemble à la création des vignettes et au titre. Comme il s’agit d’une publication hebdomadaire, j’essaie de faire en sorte de travailler sur un chapitre par semaine.
- Avez-vous traversé des difficultés en tant que mangaka jusqu'à présent ?
Je ressens parfois une grande fatigue sur le plan physique. La pression est également très grande en raison des échéances hebdomadaires. Cependant, je vis la création de webtoons comme une "promesse" entre le mangaka, la plateforme et les lecteurs. Si respecter les délais me permet d'apporter du plaisir aux lecteurs, alors je me sens capable de surmonter cette pression. Le bonheur que j'en retire est bien plus grand que les difficultés.
- La popularité des webtoons ne cesse d’augmenter à travers le monde. En tant que mangaka ayant débuté en 2014 et toujours actif en première ligne, quel regard portez-vous sur ce mouvement ?
Je ne ressens que de la gratitude envers cet essor mondial. Pour un mangaka, c'est un immense bonheur que de voir tant de lecteurs, tant dans mon pays qu'à l'étranger, apprécier mes œuvres. De plus, le succès des adaptations de webtoons en séries TV, films, animés ou jeux vidéo a renforcé la valeur des webtoons en tant que propriété intellectuelle, ce qui est une grande source de motivation.
Profil
T.Jun
Né le 3 septembre 1984 en Corée. Il fait ses débuts en 2014 avec la série Lookism. Il a également publié entre autres Jinsei Hôkai (My Life as a looser) (scénario) et Aoyama K-House (Hannamdong K-House). Sous le label PTJ cartoon compagny qu’il dirige, on retrouve également Kenka Dokugaku (Viral Hit) (histoire originale) et Quest shijôshugi (Questism).